"Mes oeuvres questionnent notre rapport à l'habitat, parfois de manière utopique ou absurde, pour parler de territoire et d'identité"

Christophe Challange,

artistiquement engagé

Christophe Challange est riche d'une double culture : française et vietnamienne. Diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts d'Angers, il vit et travaille en France et au Viêt Nam.

Sa pratique est très vite marquée par la question de l'architecture et ses représentations.  L’ensemble de ses travaux témoigne de ce lien étroit et essentiel entre art et architecture ; lien qui a, depuis sa formation aux Beaux-Arts, été alimenté lors de ses rencontres avec Daniel Buren, Hubert Tonka, Paul Chemetov ou Bernard Moninot.

Mais son travail ne se limite pas seulement à ces seules références et il se décline, aussi, par le biais de multiples médiums (dessins, vidéos, installations...). Il n’est donc pas surprenant de le voir porter un intérêt particulier aux travaux d’Absalon, de Tadashi Kawamata ou aux productions de l’Atelier Van Lieshout puis de Shigeru Ban.
Ses oeuvres interrogent ainsi notre rapport à l'habitat et à la construction, parfois de manière utopique ou absurde, pour nous parler de territoire et d'identité.

Désormais, son travail porte un intérêt particulier à la relation de l'oeuvre à l'espace dans une réflexion plus globale sur l'in situ dans le mode d'exposition d'une oeuvre dans l'espace public.

Son travail est régulièrement exposé (Le Pilori à Niort, Résonance à la biennale de Lyon, Nuit Blanche, Espace Vallès, Fondation Zervos, Vidéoformes, Galerie Martagon...).

Déjà présent ce printemps lors d'une exposition collective consacrée au dessin, Christophe Challange investit cette fois tout seul l'espace Vallès. Après des études aux Beaux- Arts d'Angers, il a voyagé et travaillé en Asie, avant de s'installer dans la région Rhône-Alpes. S'installer, ou plutôt se donner un espace où se recentrer.

ESPACES À PENSER

par Danielle Maurel

On avait été impressionné par ses « Lieux de Saint-Jérôme et de Diogène le cynique », un grand ensemble de douze dessins à la pierre noire, à la craie et au crayon. Ce travail de longue haleine proposait une série de lieux clos, d'architectures isolées de tout contexte et rehaussées par leur minimalisme. Le titre évoque deux figures de l'ascétisme. Depuis sa cellule de Palestine, Jérôme de Stridon écrivit nombre de traductions, de correspondances et de textes théologiques. Quant à Diogène, le philosophe aux pieds nus, il avait adopté un fameux tonneau comme épicentre d'une humanité débarrassée des artifices.


L'attrait pour l'architecture doit beaucoup à des rencontres lors des années de formation de l'artiste. Elle produit cette quête obsessionnelle d'une représentation d'un espace qui selon les cas isole, enferme, menace ou recentre l'individu. En ces temps de surconsommation et d'accélération, la fascination pour la cellule n'a rien d'anecdotique. La référence à Absalon est clairement mise en avant : l'artiste israélien, mort en 1993, avait produit une série de « Cellules », aux formes blanches géométriques, abris étroits et sans agrément. « Ma cellule, précise Christophe Challange, c'est mon atelier, c'est l'endroit où je travaille en me retirant du monde. Je poursuis par le dessin cette recherche d'un lieu très sobre, d'un espace méditatif. » Corps dans un espace, volumes pour nos corps... Le langage plastique de l'artiste prend aussi une tournure plus ludique, comme dans la vidéo « Homo brico rictus » où un homme torse nu se bricole une « maison de tête » avec forces tubes, bouts de planches et de scotch pour faire tenir cette excroissance précaire.


Il est assez rare qu'un dessin existe chez Christophe Challange en dehors d'une série. Les « tentatives d'épuisement » de Georges Perec sont passées par là. « Il m'inspire beaucoup, ne serait-ce que par les thématiques titrées, les explorations sérielles. J'ai besoin de me retirer dans un sujet, d'épuiser littéralement une forme, de la donner sous tous les angles. » L'exposition martinéroise proposera donc plusieurs de ces ensembles dessinés, mais aussi de volumes nés de ces matrices, ainsi que plusieurs vidéos. On pourra entrer, mentalement du moins, dans ces étranges espaces à penser, et se délecter d'un langage plastique fait tout à la fois de précision, de profondeur et d'humour.

Notes - Carnet A. 2016

"Très vite je compris que dans ma quête d'un espace idéal, il y avait aussi la possibilité d'une réflexion plus profonde sur l'individu"

"Christophe Challange procède pour cela comme un architecte : il prospecte, répertorie, se déplace pour tracer et construire..."

VENIR HABITER LA GALERIE

par Frédéric Guinot

Drôle de titre et vaste préambule pour venir “habiter” une galerie comme on traverse un espace de vie ou celui d’une maison ! Evidemment il ne s’agira pour lui que d’une “mise en perspective”, une “tentative volumétrique” pour venir nous poser ses intentions et nous proposer ses dessins comme on dépose un à un des cailloux sur un mur...
Rien de plus simple me direz-vous !
Et pourtant, Christophe Challange procède pour cela comme un architecte : il prospecte, répertorie, se déplace pour tracer et construire avec ses dessins comme on transporte une valise à roulettes pour mieux “se faire voyager”. De l’utopie à la réalité il n’y a qu’un pas lorsque l’on prend soin de s’en donner les moyens : la tâche est rude pour l’artiste mais le chemin est parfois beau quand il est long et besogneux…
Aujourd’hui les artistes n’ont pas que leur talent à nous faire valoir, cela ne suffit plus : il faut aussi des convictions et du temps pour soi pour porter ses rêves et les mener à bien…
Christophe Challange n’a pas peur pour cela de nous inviter dans sa “nouvelle maison de paille”, en spaghetti s’il en est ; il n’a pas attendu la nuit des temps pour se trouver quelques systèmes astucieux et simples pour ériger sa chapelle et nous évoquer un baraquement précaire, comme à la manière d’un bâtisseur de l’inutile…

Notes - Carnet 2014

"Le dessin est devenu quelque chose de naturel et d’opérant dans mon travail. C’est aussi une astreinte quotidienne comme peut l'être une pratique sportive régulière ou un acte de recueillement. C'est un moyen d'évacuer rapidement le superflu pour m'interroger sur l'essentiel."

"...même si il procède de manière traditionnelle ses préoccupations n'en sont pas moins très actuelles..."

LA POESIE DU CHEMINEMENT

par Yann le Chevalier

Ce qui obsède Christophe Challange, c'est l'espace, celui qu'on habite d'une part et celui qu'on parcourt, d'autre part. Pour son exposition à l'espace d'Art Visuel 'Le Pilori', à Niort, son installation créée in situ évoque les différents lieux dans lesquels il a vécu (de Lyon à Phnom Penh en passant par Bordeaux puis de Paris à Cân Tho), une errance qui tisse une toile spatio-temporelle instable mais aussi provisoire.

L'artiste commence son travail de manière traditionnelle (il le revendique !) par le dessin et se développe ensuite par des volumes très en lien avec l'architecture.

Si l'installation niortaise paraît centré sur la vie de l'artiste, il n'en reste pas moins que ses préoccupations sont très actuelles et évoquent immanquablement l'actualité cuisante des migrants mais aussi la permanence d'autres faits sociaux liés au logement, à la sécurité de l'habitat. Les thématiques sur la consommation, le tout 'bien-être' ou le concentrationnaire sont aussi récurrentes dans l'oeuvre de l'artiste.